Le chant grégorien ne peut pas se chanter en Français, pour des raisons d’accord entre le texte du chant et sa musique. Contrairement à beaucoup de musiques, en grégorien, c’est le texte qui prime. La mélodie ne fait qu’habiller les mots pour les mettre en valeur. Au moment de la composition des pièces, les mots étaient en latin. Cela a donc peu de sens de chercher à traduire le texte en Français et de le chanter sur la même musique. D’autre part cela serait voué à l’échec pour les raisons de structures internes à la langue latine (accents toniques notamment). Certains s’y sont essayés d’ailleurs sans succès. Cela n’empêche pas certaines mélodies grégoriennes d’être reprises sur d’autres paroles, notamment françaises, mais vous avez compris que tel n’est pas notre objectif.

Accord entre le texte du chant et sa musique : il est tout à fait possible de garder une phrase mélodique dans la succession de ses notes et de la poser sur un texte en français, en tenant compte des particularités de cette langue, je l’ai déjà fait. Bien sûr, il serait stupide de faire du copier-coller, il faut adapter, allonger telle note, raccourcir telle autre, voire même transformer un peu. La musique créée en son temps n’est pas sacrée, elle peut évoluer. Et quand on connait bien un style musical, on peut aussi se dégager du déjà fait et recréer une musique sur du texte (le texte prime), perspective tout à fait intéressante à terme, la tradition nourrissant la création. Bonne continuation.
Tout à fait. On gagnerait d’ailleurs à proposer davantage de compostions liturgiques en Français inspirées de la modalité et des tons grégoriens. Ça a été largement fait notamment par Gouzes, mais ce compositeur souffre, tout comme les grégorianistes, dans beaucoup d’endroits d’une sorte d’exclusion « par principe » de la part des pasteurs ou animateurs… Bizarre, bizarre…
Oui, André Gouzes a fait un magnifique travail au service du chant liturgique en puisant aux sources du chant liturgique et en l’adaptant en polyphonie en français.
Dieu sait que j’ai de l’admiration pour le travail de Gouzes, mais il n’est pas sans limites: obsession de la structure moderne refrain/couplets jusqu’à l’absurdité (antiennes mariales, Gloria, hymnes…), influences extra-romaines (byzantine, russe, protestante…) rendant son travail globalement étranger à la liturgie romaine authentique, édulcorations, légère influence soixante-huitarde (très relative), absence de sens liturgique, effacement de la distinction entre la schola et l’assemblée… sans doute a-t-il fait de bonnes et saintes choses (je pense en particulier aux ténèbres et à la Semaine Sainte en général), mais ne nous leurrons pas, tout n’est pas bon à prendre dans la « liturgie chorale du peuple de Dieu ».
Réponse à Socrate d’Aquin en plusieurs fois faute de pouvoir faire un envoi global…
Je partage votre admiration pour le travail de Gouzes et j’admets volontiers des limites, mais sans pour autant partager toutes celles que vous exprimez.
1) Concernant la structure refrain/couplets : bien sûr elle y est présente, mais à vrai dire le plus souvent avec des « couplets » qui sont traités comme du phrasé libre, ce qui relativise votre critique.
A l’inverse, il use volontiers aussi de la structure hymnique, notamment pour les Gloria (Messe de Rangueil, Messe de l’Ermitage) même s’il lui est arrivé de céder par souci pastoral mal compris à la mode absurde couplets/refrain (Messe de Sylvanès) que nous traitons pour notre part d’une traite en le chantant sans reprise du « refrain » en enchaînant le texte (les « couplets »)
2) Concernant les influences extra-romaines (surtout slavo-byzantine et chorals de la Réforme), elles son indéniables et font au contraire à mon avis la richesse de son travail dans une perspective œcuménique bien comprise s’enrichissant de l’apport des autres traditions dans ce qu’elle sont de meilleur.
Il serait sot de penser que la liturgie romaine est née ex nihilo, et les influences grecques sont considérables dans les premiers siècles de l’Église, bien avant le Concile de Trente !
3) Influence soixante-huitarde, peut-être parfois chez l’homme, mais pas dans sa liturgie à mon sens.
4) Absence de sens liturgique ? Alors là, je m’inscris en faux contre cette assertion, et je vois au contraire un sens liturgique aigu, avec une vision large ne craignant pas d’enrichir la liturgie romaine des apports vivifiants d’autres traditions, je pense notamment à l’accent mis sur les épiclèses depuis la réforme liturgique qui a suivi le Concile Vatican II.
5) Effacement de la distinction entre la schola et l’assemblée ? Cette distinction n’est pas une fin en soi, mais je ne vois pas en quoi elle serait effacé par André Gouzes ???
6) Les Ténèbres de la Semaine Sainte sont de fait admirables, mais il y a beaucoup d’autres choses bonnes à prendre dans la « Liturgie Chorale du Peuple de Dieu » !
Afin de ne pas inonder cette conversation, je vous ai répondu par mail.
Bonjour,
Quel est votre avis sur les travaux de M. François Gineste, s’il vous plaît ?
Par avance merci,
Socrate d’Aquin
Je vous ai répondu direcement par email.
Je vous ai répondu directement par email.
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Bon du coup je ferai probablement bientôt un article spécifique sur le sujet.
Par expérience, je peux affirmer qu’il est parfaitement possible de transcrire beaucoup de matériaux grégoriens en français – et en d’autres langues. » Parfaitement » ne signifie pas « facilement », ni « totalement » ; et le français, particulièrement, se chante mal ( il y a peu d’opéras en français…) à cause sur tout de ses « e » muets et de ses nombreuses diphtongues inélégantes à développer ( « in », « en », « on »…). Mais on peu adapter – cela demande des efforts et du soin – des paroles françaises sur les mélodies grégoriennes, en respectant le phrasé et l’accentuation. C’est beaucoup plus facile en italien ou espagnol… Le chant liturgique aujourd’hui courant en néerlandais ou en allemand est largement nourri de grégorien ( et aussi de la tradition des chorals luthériens ou anglicans); et je connais plusieurs monastères, au Canada ou en Belgique ( Orval, par exemple) dont la liturgie est pour l’essentiel en grégorien, mais en français. Bien évidemment, les pièces les plus ornées « passent » très mal – par exemple les Kyrie, et une bonne partie du graduel. Mais ce n’est pas indispensable pour assurer la base de la prière des heures – à condition de composer des textes pour les hymnes et les antiennes. Pour ma part, je pense qu’il ne faut pas se limiter au grégorien; mais que c’est un trésor musical ( et donc) spirituel qu’il est vraiment regrettable d’avoir perdu , ou d’avoir laissé aux tradis.