Le 24 ème dimanche B : « Tu es le Messie ! », mais pourquoi et comment ?

            (Is 50, 5-9 ; Jc 2, 14-18 ; Mc 8, 27- 35)   (P.P. Madros)

Jésus de Nazareth, fils de Marie, interroge ses apôtres. Il nous pose la même question aujourd’hui : « Qui suis-je d’après vous ? », littéralement : « Vous, qui dites-vous qui (ou : que) je suis ? » (Mc 8, 29, comme le dans le syriaque). La Bible de Jérusalem traduit : « Pour vous, qui suis-je ? ». Ce « pour » signifie l’opinion mais aussi l’attitude, la position à prendre, le rapport existentiel avec Jésus, l’influence ou le changement qu’Il effectue dans les cœurs et les vies. « Pour » Marie et Joseph : Il est le Fils unique chéri et inégalé ; « pour » les apôtres et les disciples,  « le Maître » ; pour les infirmes « le thaumaturge » ; pour les scribes et les pharisiens : le rival et l’adversaire ; pour Pilate : le bouc émissaire qui fait les frais de la « politique » (comme la plupart de nos peuples contemporains !) ; pour Judas : une source de gain ! Et pour nous : le Messie attendu, le Sauveur et le Seigneur, avec toutes les conséquences pour lui et pour nous…

Mais beaucoup d’autres ne l’entendent pas de cette oreille !

De nombreux Juifs accepteraient Jésus comme Messie s’il n’avait pas souffert et surtout s’il n’avait pas été crucifié ! Ils répugnent à appliquer au Messie le texte d’Isaïe 53 (notre première lecture) sur le Serviteur souffrant de Yahweh. La pensée islamique suit le courant juif dans ce sens aussi. Mais alors qui est ce serviteur (cette fois en minuscule) ? Beaucoup de commentateurs Juifs préfèrent l’identifier au peuple hébreu, collectivement. Mais alors, qui est le « nous » qui se différencie de « lui », i.e. du serviteur souffrant ? « Méprisé, nous n’en faisions aucun cas ; ce  sont nos souffrances qu’il portait  et nos douleurs dont il était chargé. Et nous, nous le considérions comme puni… Mais lui a été transpercé à cause de nos crimes, écrasé à cause de nos fautes. Le châtiment qui nous rend la paix est sur lui. Et dans ses blessures, nous trouvons la guérison… (Is 53, 3-5).

« Pour » les Juifs messianiques, Jésus est le Messie qui accomplit les prophéties, le Sauveur, mais il n’est pas le Seigneur. Or,  comment un simple homme peut-il sauver les autres ? Il paraît aussi qu’ils semblent couper le rapport entre le Christ et l’Eglise, son épouse.

Pour les Musulmans (sauf  les membres de la secte Ahmadyyah qui donnent le titre de « massih » à leur fondateur Mirza  Ghoulam Ahmad et ses successeurs !), le Messie acquiert un nouveau nom : « Issa » au lieu de « Yashou’ » ou « Yassou’ », probablement du péjoratif « Esaü » (en hébreu «  עשו  Issaou », plutôt que du grec « Ιησους» Iesous). Fils de Maryam, tout le monde est d’accord, mais celle-ci est « la sœur d’Aaron » et « la fille d’Imran » (Amiram). Il s’agit d’une identification ou d’une confusion entre Miryam fille de Yokebed et d’Amiram, sœur d’Aaron et de Moïse, d’un côté, et la Sainte Vierge Marie, de l’autre, à une différence de douze siècles.

Pour les Musulmans, Jésus n’est pas davantage ni sauveur (ce qui vide le vocable « messie » de son sens) ni Seigneur. Malgré cette révérence populaire, le monde musulman, dans le Coran, n’a rien adopté des enseignements du Christ. Saint Jacques (2, 14-18) dirait : foi sans œuvres ! Oui, « Issa » est à admirer, certainement pas à imiter ! Le « beau modèle » des Musulmans est un tout autre personnage dont beaucoup d’actes contredisent ceux de Jésus.

Un auteur italien contemporain, Antonio Socci, un journaliste (pour une fois !), dans son livre « Guerre contre Jésus »,  signale le danger d’une vision « islamisante » du Christ chez des « chrétiens »  qui, graduellement et inconsciemment peut-être, finissent par le « dégrader », en enlevant à sa personne la nature divine, en éliminant de sa conduite son caractère de modèle, et de ses enseignements leur validité absolue, les « relativisant », d’après nos désirs, nos tendances et nos faiblesses, comme aimait à répéter Benoît XVI .

Conclusion : « pour » nous, tu es le Sauveur Seigneur même quand tes enseignements ne nous plaisent pas !

« Je dirais même plus » : surtout quand tes enseignements ne nous arrangent pas, c’est la preuve qu’ils viennent d’en haut : plus sublimes que nos intérêts et nos passions, plus limpides que nos calculs, plus grands que nos petitesses, plus vastes que nos étroitesses, plus universels que nos particularismes, infiniment plus droits que nos courbes et nos pirouettes. Ayons l’honnêteté de ne pas « créer un Jésus à notre image et ressemblance », comme disait Voltaire à propos de Dieu qui a ainsi créé l’homme, « et celui-ci le lui a bien rendu » ! Au contraire, admettons la différence « salutaire » de Jésus : une différence qui a changé l’histoire et en demeure le centre !

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