On est très surpris de voir dans Zénit ou dans d’autres publications « mainstream » ces derniers jours une explication de la « bonne » interprétation de l’article 299 de l’Institutio Generalis Missalis Romani (IGMR) par des gens qui n’ont ni mandat, ni compétence, ni qualification. Et même ni légitimité, ni intelligence, ni éducation. Disons les choses explicitement : depuis quand le directeur de salle de presse se permet-il de faire la leçon à un cardinal préfet sur des sujets qui relèvent de sa propre compétence ? C’est proprement ahurissant. Parce qu’attention : ce Cardinal n’a rien énoncé de contraire à la foi ou aux mœurs, n’a rien organisé qui affaiblirait le souci de l’Eglise d’annoncer l’Evangile, n’a remis en cause aucune doctrine ni aucune discipline. Il a proposé en vertu de sa responsabilité de promoteur de la liturgie au plan mondial, aux évêques, d’appliquer concrètement ce que le Missel romain actuel préconise. Tout simplement. Pourtant, tout se passe comme si on assistait à une sorte de « recadrage » violent. Car oui en fait, la réalité c’est que proposer la liturgie telle qu’elle est, sans ajout ni retrait c’est beaucoup trop…
Quand le pape François lui-même célèbre « face à l’orient ». Et oui…. A quand un recadrage de la salle de presse du Vatican par le souverain Pontife ?
Rappelons que l’« IGMR » est le texte introductif du missel romain de 2002 (paru sous Jean-Paul II). C’est ce texte qui explicite la façon de célébrer la liturgie de la Sainte Messe dans sa forme ordinaire. L’IGMR actuelle comprend les mots suivants (article 299) :
« Altare maius exstruatur a pariete seiunctum, ut facile circumiri et in eo celebratio versus populum peragi possit, quod expedit ubicumque possibile sit. »
Que l’on pourrait traduire de la façon suivante :
« Il convient que le maître autel soit construit séparé du mur, ce qui est utile, chaque fois que cela est possible, afin que l’on puisse facilement en faire le tour et que la célébration face au peuple puisse avoir lieu ».
Or la salle de presse du Vatican laisse entendre que le missel mentionnerait par les deux mots « quod expedit » que la célébration face au peuple devrait être préférable à la célébration face à l’orient. Ce qui est bien sûr erroné. La Congrégation pour le culte divin a publié cette clarification (Prot. No. 2036/00/L) concernant l’article 299 :
« La Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements a été interrogée sur l’article 299 de l’Institutio Generalis Missalis Romani afin de déterminer si son contenu constitue une norme selon laquelle la position du prêtre versus absidem (face à l’abside) doit être exclue. La Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements après une sérieuse réflexion et à la lumière des normes liturgiques répond : NEGATIVEMENT. le mot expedit ne constitue pas une stricte obligation mais une suggestion QUI SE RÉFÈRE À LA CONSTRUCTION DE L’AUTEL a pariete seiunctum (détaché du mur).»
Cf : http://www.adoremus.org/12-0101cdw-adorient.html
Cf: http://benoit-et-moi.fr/2016/actualite/liturgie-pas-de-reforme-de-la-reforme.html
Merci au forum catholique et au blog d’Yves Daoudal.
Voir aussi notre article de 2009 qui soulevait la même question (avec une traduction de l’anglais d’une réflexion publiée sur New Liturgical Movement).
http://www.scholasaintmaur.net/la-loi-toujours-applicable-de-la-celebration-versus-deum/
Et aussi :
http://www.scholasaintmaur.net/on-lattendait-depuis-plusieurs-mois/
La question ne devrait donc plus se poser en ces termes, et ce depuis 15 ans au moins. On assiste à un véritable recul avec cette déclaration mal à propos du P. Lombardi. C’est effrayant. Et le plus marquant c’est bien l’incise finale : « la forme extraordinaire ne doit pas prendre a place de la forme ordinaire ». On le pressent depuis longtemps, on percevait l’ombre fuyante de cette idée jusqu’à maintenant mais elle se dévoile désormais au grand jour : la « libéralisation » de la forme extraordinaire n’est donc possible qu’à l’expresse condition de pouvoir continuer à dégrader la liturgie ordinaire au niveau d’un « rite infra-ordinaire » qui surtout ne doit plus rien à faire avec le rite romain.
Je suis consterné par la réponse du P. Lombardi. La déclaration du Cardinal Sarah à Sacra Liturgia m’avait rempli de joie.
Après, je suis assez inquiet: le P. Lombardi et le Cardinal Sarah se réfèrent au Pape François. Alors? De quel coté se situe-t-il?
PS: Pour le plaisir du cœur et des yeux, voici quelques photos de la Messe pontificale célébrée à l’Oratoire de Brompton par le Cardinal Sarah. Je précise qu’elle fut célébrée selon la forme ordinaire du rite romain: https://photos.google.com/share/AF1QipMtTcldPYrmqPQIwjZve6-V80FbV0kEyYLNBhS-GjhfHK1DKwyVsJ3EeDjlLBlWvw?key=d1JnV0o5UjVfYUZMek5pNWJTVUVPUjlqVUppY0hB
PPS: Pour autant, il faut être juste: l’article 303 de l’IGMR affirme que si l’autel ne peut être déplacé, alors il en faut construire un autre. Quand on compare l’autel de Notre-Dame de Paris avec le superbe maître-autel juste derrière, il y a de quoi se demander pourquoi…