Famille chrétienne nous habitue à des commentaires sur l 'actualité liturgique, comme ici ou ici ou encore là . L'hebdomadaire sacrifie de nouveau au genre, avec cet article du P. Alain Bandelier. Intéressant et à débattre !
Cela appelle deux remarques, car beaucoup qui donnent leur avis ont la mémoire courte. Premièrement, le rite romain est une réalité vivante. Il n'a cessé de s'enrichir (et parfois de s'alourdir). Saint Pie V a été lui-même artisan d'une réforme. Et avant lui, il y a quinze siècles de vie liturgique. Après lui, c'est vrai, il y a eu une certaine fixation du rituel, ce qui ne fut pas forcément une bonne chose.
En tous cas, Jean XXIII et surtout Pie XII ont introduit des modifications non négligeables dans le missel qu'on ne peut plus dire de saint Pie V et qu'on désigne comme le missel de 1962. Le concile Vatican II, à la quasi unanimité des voix (y compris celle de Mgr Lefebvre), a voulu "restaurer et faire progresser"("instaurandam atque fovendam") la liturgie – l'idée d'une "réforme" liturgique ne traduit pas la pensée des Pères conciliaires et même la trahit.
Deuxièmement, il ne faut pas l'oublier, dans l'Eglise catholique il n'y a pas que le rite romain. Les Eglises catholiques orientales ont chacune leur rite: maronite, syrien, chaldéen, copte, etc. Nos disputes sont vraiment étranges, vues d'Alexandrie, de Bagdad ou de Kiev. Et même dans l'Eglise latine, si le rite romain est majoritaire, il peut coexister avec des rites régionaux (mozarabe, milanais, etc.) ou des rites particuliers comme le rite dominicain.
La question posée aujourd'hui est simple: est-il souhaitable de permettre la célébration de messes selon l'une ou l'autre forme du rite romain, celle d'avant le Concile et celle d'après le Concile? Les deux formes qui auraient dû être successives peuvent-elles être simultanées?
Jean-Paul II a répondu par le Motu proprio Ecclesia Dei adflicta en ouvrant cette possibilité et en demandant aux évêques de l'accorder généreusement (ce qui n'a guère été le cas en France, il faut l'avouer). Faut-il faciliter davantage encore cette coexistence? C'est un choix pastoral qui ne nous appartient pas. Quel qu'il soit, nous le ferons nôtre, dans la confiance, car l'obéissance est la clé de l'unité. Les désobéissances des uns comme des autres ont fait suffisamment de dégâts pour qu'on n'ait pas le coeur d'en rajouter.
Il me semble évident qu'en toute hypothèse cette dualité est un pis-aller et qu'elle ne peut se prolonger indéfiniment. La communion de la foi et de l'agapê (Dieu est Amour!) doit se manifester par une communion visible, tout particulièrement par la communion liturgique.
Il faudra bien qu'un jour les "traditionalistes" cessent d'excommunier le "nouveau" missel. Mais il faudra aussi que les autres célèbrent selon ce missel, tout ce missel, rien que ce missel. Ce qui est loin d'être acquis.
Il faudra enfin que dans chaque diocèse il y ait des églises où l'on célèbre en latin et en grégorien la liturgie officielle: loin de l'interdire, le Concile l'a demandé.