Sur le site New Liturgical Movement, un article récent signé Jeff Ostrowski a exposé de façon historique depuis la réforme de la liturgie, le destin des chants du propre de la messe. Et effectivement cette histoire est mal connue et elle avait fait lieu d’un débat entre plusieurs d’entre nous sur le forum cite catholique. Il m’a semblé intéressant de retracer touts les éléments et les observations sur cette question pour en faire une synthèse. Ici commence une petite série qui cherchera à faire le tour de la question, en s’appuyant à la fois sur les réflexions parues sur les sites américains (New liturgical movement, Adoremus Bulletin, que nous commenterons) mais aussi sur les exposés faits lors de diverses conférences ou articles posés sur le présent site. Nous avons traduit un certain nombre de choses de l’Anglais au Français pour vous en faire profiter… Comme d’habitude, nous mettons en gras ce qui nous semble important, et nous commentons.
En 2011, les sites webs de Corpus Christi Watershed (créés en 2009) ont franchi une étape importante lorsque le nombre total de téléchargements ont atteint 14 millions. D’autres organisations vouées à la promotion de la liturgie sacrée ont également connu des succès similaires. Avec le retour du chant des propres de la Messe et la popularité nouvelle des « Simple English Propers », moi-même et d’autres ont reçu un certain nombre d’emails qui demandaient : Pourquoi les propres du Graduel romain ne sont ils pas identiques aux propres de la messe du Missel romain ? Cette contradiction apparente est au bout du compte, parfaitement naturelle et (plus important) intentionnelle. Cet article cherchera à proposer une explication simple et claire.
Il pourra être intéressant d’expliquer d’abord ce qu’est le Graduale romanum, parce que les prêtres sont parfois hésitants ou embarrassés d’admettre leur ignorance en ce qui concerne ce livre. Le Graduel romain (Graduale romanum) est un ensemble de prières (des chants) qui sont soigneusement assignés à chaque messe. Chaque propre a habituellement une ou deux phrases la plupart du temps extraites de l’Écriture Sainte. Ces prières (ces chants) ont été développées et approfondies par l’Église d’occident pendant plus de 1500 ans. Croyez-le ou pas, la notation musicale elle même a été inventée avec pour seul objectif la notation musicale de ces chants. [Il s’agit des fameux neumes, mais aussi de la portée musicale inventée par Guido D’Arezzo, de la clef et du nom des notes en francophonie, qui ne sont rien d’autre que les premières syllables de l’hymne de la Saint Jean-Baptiste… En chant grégorien, bien sûr.] Bien plus, grâce au progrès technologique, il est possible de consulter les plus anciens manuscrits du Graduel romain sans quitter le confort de nos maisons : Voici quelques exemples qui enchanteront les amoureux du chant grégorien : Einsiedeln 121 (960-970 Ap JC); Laon 239 (10ème siècle); St Gall 359 (922-925 Ap JC); et St Gall 339 (an 1000).
Le Graduel romain a été révisé en 1974, pour la liturgie post conciliaire, et ce Graduale romanum de 1974 est recommandé pour les Musiciens qui chantent pour les messes en forme ordinaire, même si les chants sont en réalité les mêmes que ceux du Graduale romanum de 1908. [Et ce sont aussi les mêmes que ceux du Graduale romanum de 1961, qui ceux également identiques à ceux du paroissien romain 800 bien connu. Seuls l’arrangement de l’année liturgique et les dates ont été modifiés] Parce que le Graduale romanum est écrit en latin, beaucoup d’Américains préféreront le « Gregorian Missal », qui est identique au livre de 1974, sauf qu’il a une traduction en Anglais et qu’il ne contient pas les messes quotidiennes. Ce livre est très vendu c’est un « must », et il peut aussi être téléchargé gratuitement. [Il existe également une version française, en vente à Solesmes : le Missel grégorien]
Les prières (chantées) que l’on trouve dans le Graduel sont appelées par un certain nombre de noms : propres du « Graduale », Propres de la Messe, etc… Affinés par l’Église depuis des siècles, les Propres contiennent une théologie profonde et conviennent parfaitement à chaque messe comme Noël, le Jeudi Saint, la Pentecôte, l’Épiphanie, etc. Le Consilium (le groupe d’évêques constitué par Paul VI pour mettre en œuvre la Constitution sur la Liturgie) a écrit en 1969 que ceux qui ne chantaient pas les propres « trompent le peuple ».
Ici, Susan Benofy (Adoremus Bulletin) nous éclaire :
L’abandon des mélodies et des textes traditionnels de la messe n’était clairement pas l’intention des pères du Concile, qui décrétaient dans la Constitution sur la Liturgie, Sacrosanctum Concilium (1963) que « le trésor de la musique sacrée sera conservé et cultivé avec la plus grande sollicitude » (SC 114). Ce principe a été par la suite éclairé en 1969 par le Consilium (le groupe d’évêques et d’experts désignés par le pape Paul VI pour mettre en pratique la Constitution sur la Liturgie), qui a répondu à la question de savoir si l’autorisation de chanter des hymnes en langue vernaculaire au cours d’une messe basse (« Missa lecta ») – donnée dans l’instruction De musica sacra et sacra liturgia en septembre 1958 (n. 33) – était toujours valide. (Avant le Concile, les cantiques chantés au cours d’une messe basse ne devaient pas remplacer les textes prescrits, mais s’y ajoutaient, et étaient considérés seulement comme une forme de participation « indirecte »).
La réponse du Consilium était très claire :
Cette règle [permettant l’usage de chants en langue vernaculaire] est désormais caduque. Ce qui doit être chanté, c’est la messe (son Ordinaire et son Propre), et pas « quelque chose », quelque soit sa qualité, qui se surajouterait à la messe. Parce que le service liturgique est un, il n’a qu’un seul contenu, un seul visage, une seule voix : la voix de l’Église. Continuer de remplacer les textes de la messe devant être célébrée par des chants même pieux et recueillis, au lieu d’utiliser ceux de la messe du jour est la source d’une ambiguïté inacceptable : c’est tromper les gens. Le chant liturgique n’est pas constitué d’une mélodie seule, mais de mots, de textes, de pensées et de sentiments que la poésie et la musique renferment. De tels textes doivent être ceux de la messe et nul autres. « Chanter » signifie chanter la messe et pas seulement chanter pendant la messe.
(Cette réponse a été publiée en italien dans le journal officiel du Consilium : Notitiae 5 [1969] p. 406.)