RECEVOIR L’EUCHARISTIE AVEC AMOUR ET REVERENCE.

Accueillir l’enseignement de l’Église dans la vérité et la sérénité.

 

Les Éditions Hovine sprl (Rue des Pensées 2bis, B 7522 Marquain) diffusent un feuillet concernant un « miracle eucharistique » qui serait survenu le 23 mai 2003, à Ostina, dans la province de Florence.

Ce feuillet rend compte de ce « miracle » et en prend prétexte pour mettre en garde contre l’usage de recevoir la communion dans la main et exhorter vivement à communier directement dans la bouche.

Cette apologie de la communion dans la bouche n’a de soi rien de répréhensible évidemment. En revanche la méthode suivie par ledit feuillet appelle de sérieuses réserves car elle pourrait troubler des fidèles mal informés.


Le feuillet aligne trois sortes d’arguments :

Des arguments basés sur des phénomènes miraculeux, d’autres sur des révélations privés ou des confidences et enfin des arguments venant du Magistère de l’Église.

1. Les phénomènes miraculeux :

Les miracles eucharistiques ne sont pas nouveaux dans l’histoire de l’Église, en particulier depuis le Moyen Âge. Un certain nombre ont été authentifiés et méritent l’attention et le respect des fidèles. La plupart du temps, il sont destinés à fortifier la foi au mystère eucharistique. Un excellent ouvrage fait le point sur les plus célèbres, ouvrage de référence puisqu’il est muni du nihil obstat et de l’imprimatur et écrit par un auteur sérieux :

Abbé Jean Ladame et Richard Duvin, Prodiges Eucharistiques du VIIIe siècle à nos jours, Éditions France-Empire, Paris, 1981 (Réédition : Familles & Eucharistie, 155 E, chemin de la Palma, 69210, L’Arbresle, 1981). Ces prodiges peuvent fortifier la foi envers le mystère eucharistique et la Présence réelle, substantielle et permanente du Seigneur Jésus-Christ dans l’Eucharistie. Par là ils invitent à un respect plein d’amour et de révérence à l’égard de ce Très Saint Sacrement ; toutefois ils n’indiquent en eux-mêmes rien sur la manière de communier.

 

2. Les révélations privées :

C’est un monde plus délicat à cerner et à discerner… !

Il faudrait examiner l’une après l’autre les révélations rapportées dans ce feuillet, leurs critères de crédibilité, le sens de l’Église et la théologie des sacrements qui les animent ; on peut en tout cas constater que les révélations rapportées dans ce feuillet ont tendance à se placer sur le registre de la peur et de la menace. Les avertissements de ces soi-disant révélations privées se démarquent de ceux qu’on trouve dans les Saintes Écritures et en particulier dans l’Évangile. Ce serait facile à mettre en lumière, mais ce n’est pas l’objet de cette note.

 

3. Le Magistère de l’Église.

C’est la référence au Magistère de l’Église qui est le but de cette mise au point.

Le premier des arguments tirés de « la doctrine catholique » attribue, à tort, au Concile Vatican II le rejet de la communion dans la main. C’est ce qu’il faut corriger et préciser.

Cette attribution est une erreur grave, volontaire ou involontaire, mais elle repose sur une part de vérité qu’il convient de relever. En effet, il y a bien eu une consultation des évêques catholiques sur cette question ; cependant cette consultation n’a pas été faite dans le cadre du Concile Vatican II mais après le Concile.

L’instruction Memoriale Domini.

Pendant les années conciliaires et les premières années postconciliaires, sans qu’aucune autorisation officielle ait été accordée, la pratique de la communion dans la main a commencé à se répandre illégalement, en particulier en France, en Allemagne, aux Pays-Bas et en quelques autres pays. Il y avait donc un état de fait regrettable et irrégulier qui se répandait.

Le bienheureux Pape Paul VI était très réservé à l’égard de la communion dans la main et demanda à la commission chargée de l’application de la réforme liturgique (le Consilium)
d’enquêter auprès évêques de rite latin. Ce qui fut fait par le moyen d’une lettre confidentielle que le Pape lui-même annota et corrigea de sa main, tant la question lui tenait à cœur.

C’est en fait le résultat de cette consultation qui est rapporté dans le feuillet et attribué faussement au Concile Vatican II. Le Concile s’est terminé le 8 décembre 1965 et la lettre envoyée aux évêques est datée du 28 octobre 1968.

Le résultat de cette consultation correspond exactement aux chiffres donnés par le feuillet : Sur 2136 réponses : 21 réponses invalides ; 567 évêques favorables à la communion dans la main ; 1233 évêques opposés à la communion dans la main ; 315 favorables dans certaines conditions.

Cette consultation n’a donc pas la portée ecclésiale ou canonique d’un vote conciliaire ; elle n’en mérite pas moins une grande considération, en particulier en raison de ce qui a suivi.

À la suite de cette consultation, une Instruction a été publiée par la Sacrée Congrégation pour le Culte Divin. C’est l’Instruction Memoriale Domini, approuvée par le bienheureux Pape Paul VI le 28 mai 1969.

Cette Instruction maintient comme usage normal, la communion directement dans la bouche et précise que le Pape « n’a pas pensé devoir changer cette façon traditionnelle de distribuer la communion aux fidèles ». Elle rappelle que cette « tradition multiséculaire exprime le respect des fidèles envers l’eucharistie et ne blesse en rien la dignité personnelle de ceux qui s’approchent d’un sacrement si élevé ». Au sujet de cette manière traditionnelle de communier, il est même demandé aux évêques, aux prêtres et aux fidèles de « respecter attentivement la loi toujours en vigueur » et « confirmée de nouveau ».

Mais l’Instruction prévoyait aussi une ouverture qui deviendrait rapidement une large brèche. Elle accordait que là où l’usage de la communion dans la main s’était déjà introduit, les conférences épiscopales « après un prudent examen » pourraient prendre des « décisions opportunes » et en demander au Saint-Siège « la nécessaire confirmation ».

Ce qui fut fait par de nombreuses conférences épiscopales, et cela a fini par faire tâche d’huile. Finalement ce qui était une permission obtenue par voie d’indult a fini par être considéré comme l’usage ordinaire et normatif. Pourtant, la lettre du Cardinal Gut qui transmettait l’indult rappelait l’objet de l’instruction Memoriale Domini « sur le maintient en vigueur de l’usage traditionnel ».

Il est donc parfaitement vrai que l’usage de communier dans la main a d’abord été diffusé de manière illégale et que la permission de le poursuivre été concédée comme pour légaliser un état de fait là où les responsables ecclésiastiques considéraient ne pas pouvoir ou ne pas devoir revenir à l’usage normal de la communion sur la langue. Le Saint-Père et le Saint-Siège ont dû couvrir canoniquement a posteriori un fait accompli tout en cherchant à maintenir la priorité de la pratique traditionnelle.

Tout cela est bien connu à présent et publié.

L’Instruction Memoriale Domini est publiée dans la Documentation catholique, 1969, p. 669-674. On peut aussi la consulter sur Internet ; plusieurs sites en donnent le texte. Par exemple :

https://www.ceremoniaire.net/depuis1969/docs/memoriale_domini.html

En 1973, Mgr Bugnini, à la demande du Pape, a publié un article d’abord dans l’Osservatore romano, puis largement diffusé, qui tend à dédramatiser la question. Il allègue quelques textes bien connus, de l’Antiquité et du haut Moyen Âge, qui témoignent de l’usage antique de la communion dans la main, ce que du reste personne n’a jamais contesté. Mais cela ne discrédite pas pour autant l’évolution qui a conduit à recevoir la communion sur la langue. La remise en vigueur de pratiques antiques qui ne sont plus en usage n’est pas de soi toujours souhaitable. Dans l’encyclique Mediator Dei, Pie XII écrivait à ce sujet :

il n’est pas sage ni louable de tout ramener en toute manière à l’antiquité… quand il s’agit de liturgie sacrée, quiconque voudrait revenir aux antiques rites et coutumes, en rejetant les normes introduites sous l’action de la Providence, à raison du changement des circonstances, celui-là évidemment, ne serait point mû par une sollicitude sage et juste.

Et le Concile Vatican II précise :

les innovations ne se feront que si elle sont exigées par un besoin réel et incontestable de l’Église, les précautions étant prises pour que les formes nouvelles se développent à partir des formes déjà existantes selon une croissance en quelque sorte organique. (Constitution sur la Sainte Liturgie, Sacrosanctum Concilium, n. 23)

Il faut aussi bien souligner que la communion dans la main telle qu’elle s’est largement répandue depuis les années 1960 est loin d’être identique à la pratique dont témoignent les textes anciens si souvent allégués : l’eucharistie reçue sur la paume de la main droite était directement portée à la bouche sans être « prise » avec les doigts ; dans certains cas, on trouve même l’usage de recouvrir la main avec un linge.

Du reste l’article de Mgr Bugnini n’est pas un document magistériel et ne change rien aux dispositions de l’Instruction Memoriale Domini ; il y renvoie même explicitement. On peut en lire la traduction française dans la Documentation catholique, 1973, p. 565-568, (sans oublier de lire le correctif à la p. 686). On notera aussi que l’Osservatore romano avait donné comme titre à cet article « Piété et respect envers l’eucharistie », alors que Mgr Bugnini l’avait intitulé « Sur la main, comme sur un trône » et la traduction française de la Documentation catholique : « La communion dans la main » !

Le même Mgr Bugnini a rendu compte de toute cette question dans son célèbre ouvrage, La riforma liturgica, BELS 30, Rome, Ed. Liturgiche, 19972, p. 621-641.

Deux évêques, l’un argentin et l’autre du Kazakhstan ont écrit chacun un petit opuscule très bien fait. En voici les références :

Juan Rodolfo Laise, La communion dans la main, Centre International d’Études Liturgiques, Paris, 1999.

Athanasius Schneider, Dominus est, Tempora, Perpignan, 2008.

Ce dernier a donné sur la question une interview à la revue Famille chrétienne n. 1930 du 10 au 16 janvier 2015, p. 30-33.

Dans les plus récents documents officiels.

Il est intéressant de remarquer que des documents officiels récents de la liturgie romaine, maintiennent le principe que la manière normale de communier est la communion reçue dans la bouche et que la communion dans la main est une pratique dérogatoire.

Il s’agit par exemple de la 3e édition typique de la Présentation Générale du Missel Romain, publiée en latin en 2002 ; la traduction française officielle est de 2008. Voici ce qu’on peut y lire pour le rite de communion :

161. Si Communio sub specie tantum panis fit, sacerdos hostiam parum elevatam unicuique ostendit dicens: Corpus Christi. Communicandus respondet: Amen, et Sacramentum recipit, ore vel, ubi concessum sit, manu, pro libitu suo. Communicandus statim ac sacram hostiam recipit, eam ex integro consumit.

161. Si la communion est donnée seulement sous l’espèce du pain, le prêtre montre à chacun l’hostie en l’élevant légèrement et dit: Corpus Christi (Le Corps du Christ). Le communiant répond: Amen, et reçoit le Sacrement dans la bouche ou bien, là où cela c’est autorisé, dans la main, selon son choix. Celui qui reçoit la sainte hostie pour communier la consomme aussitôt et intégralement.

D’après ce texte, il est clair que la manière normale et ordinaire de communier est dans la bouche ; la communion dans la main relève d’une autorisation spéciale. Il se trouve que cette autorisation a été demandée presque partout, mais le principe demeure. En outre ce que le français traduit par « là où cela est autorisé » est, en latin, « ubi concessum est » ; c’est le vocabulaire de la concession.

De même en 2004, dans l’Instruction Redemptionis Sacramentum de la Congrégation pour le Culte Divin, on peut lire au n. 92 :

92. Quamvis omnis fidelis ius semper habeat pro libitu suo sacram Communionem ore accipendi, si quis communicandus velit Sacramentum manu recipere, in regionibus ubi Conferentia Episcoporum, actis a Sede Apostolica recognitis, id permiserit, ei sacra hostia administretur. Attamen peculiari modo curetur statim coram ministro hostiam a communicante sumi, ne ullus species eucharisticas in manu ferens discedat. Si adsit profanationis periculum, sacra Communio in manu fidelibus non tradatur.

92. Tout fidèle a toujours le droit de recevoir, selon son choix, la sainte communion dans la bouche. Si un communiant désire recevoir le Sacrement dans la main, dans les régions où la Conférence des Évêques le permet, avec la confirmation du Siège Apostolique, on peut lui donner la sainte hostie. Cependant, il faut veiller attentivement dans ce cas à ce que l’hostie soit consommée aussitôt par le communiant devant le ministre, pour que personne ne s’éloigne avec les espèces eucharistiques dans la main. S’il y a un risque de profanation, la sainte Communion ne doit pas être donnée dans la main des fidèles.

Là encore, il apparaît clairement que la communion dans la main est une pratique dérogatoire qui relève d’une autorisation.

Le feuillet fait référence à plusieurs paragraphes de cette Instruction Redemptionis Sacramentum, mais n’en cite aucun littéralement et ne fait aucune allusion à ce n. 92 qui pourtant est assez clair du point de vue du droit ; et le plus étonnant est que, sous le titre « La doctrine catholique », il passe complètement sous silence la Présentation Générale du Missel Romain.

Enfin, les concessions accordées aux conférences des évêques d’un pays sont des permissions, mais ne sont pas contraignantes. Il revient à chaque évêque d’user de cette permission ou de demander qu’elle ne soit pas en vigueur sur le territoire de son diocèse.

Les deux manières de recevoir la communion sont donc légitimes mais pas équivalentes au regard du droit et de la tradition de l’Église : l’une est normative, l’autre, bien que largement répandue, relève d’une procédure d’indult.

Conclusion : « Ouvre ta bouche, et Moi, je l’emplirai » (ps. 80, 11)

L’instruction Memoriale Domini est un très beau document, parfaitement officiel qui explique très positivement, sans recourir à la peur, les bonnes raisons de maintenir la manière traditionnelle de communier. L’enseignement de l’Église sur cette question est beau en lui-même ; il n’a besoin ni d’arguments qui menacent et effraient les fidèles, comme le sont ces soi-disant « révélations privées », ni que l’on accommode la vérité en attribuant au Concile Vatican II le résultat d’une consultation d’abord confidentielle adressée aux évêques plusieurs années après la clôture du Concile.

Même si une autre pratique a pu être concédée, le bienheureux Pape Paul VI, avec la grande majorité des évêques, souhaitait voir maintenu l’usage séculaire de recevoir la Sainte Eucharistie directement sur la langue. Cet usage exprime de manière appropriée « le respect dû à ce Très Saint Sacrement et l’humilité avec laquelle il doit être reçu » (Memoriale Domini). Il manifeste aussi radicalement qu’on ne « prend » pas l’Eucharistie mais qu’on la « reçoit ». En la personne du ministre qui distribue la communion, c’est vraiment le Seigneur qui donne sa chair en nourriture et réalise la promesse d’un psaume traditionnellement appliqué à l’Eucharistie. Il s’agit du psaume 80 dont le dernier verset fournit le texte du chant d’entrée de la Messe de la solennité du Corps et du Sang du Christ : « Cibavit eos ex adipe frumenti ; et de petra melle saturavit eos : Il les a nourris de la fleur du froment et les a rassasiés avec le miel du rocher. » Or quelques versets plus haut, le Seigneur fait cette promesse :

« Dilata os tuum et Ego adimplebo illud. Ouvre ta bouche, et Moi, je l’emplirai » (ps. 80, 11).

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