Homélie prononcée par le RP Dom Perrin, osb, de l'abbaye de Kergonan, à l'occasion des funérailles de M. Maurice Tillie.
+ Homélie pour les funérailles de Monsieur Maurice Tillie
Eglise Saint-Clément, Nantes
Le vendredi 22 mai 2008
Nous le fêtions hier ! le Christ monté aux cieux siège désormais à la droite du Père. Saint Paul écrit aux Éphésiens : « Nous qui étions morts par suite de nos fautes, il nous a fait revivre avec le Christ, avec lui il nous a ressuscités et fait asseoir aux cieux dans le Christ Jésus » (Ep 2, 5-6). La droite du Père, le sein du Père : voici le lieu divin où le Christ, vainqueur de la mort, a transporté son humanité sainte et, avec elle, en espérance, chacun de ses frères les hommes. C'est là que nous aspirons à le suivre, que nous le suivons déjà par le désir et la prière. Et nous prenons par la foi le chemin qui fut le sien, le glorieux chemin de l'obéissance et de l'humilité (cf. Règle de saint Benoît, chapitres 5 & 7) qui, par la Passion et par la Croix, introduit l'Église dans la gloire de la résurrection bienheureuse (Prologue de la Règle de saint Benoît, v. 50).
« Maintenant, chante Siméon, tu peux laisser ton serviteur s'en aller dans la paix, selon ta Parole. » (Lc 2, 29). C'est en chantant que le vieillard Siméon quitte ce monde pour entrer dans la vie véritable. Il passe des chants de la terre à la symphonie du ciel, des choeurs de la liturgie d'ici-bas à ceux de la louange éternelle. Et Jésus, l'enfant qui porte la lumière pour les nations et la gloire d'Israël son peuple (Lc 2, 32), Jésus, le Fils élevé de terre sur la croix en signe de contradiction pour la chute et le relèvement d'un grand nombre (Lc 2, 34), Jésus lui-même écrit la partition de l'unique liturgie du ciel et de la terre, ce « cantique de louange… qui, selon l'enseignement du Concile Vatican II, se chante éternellement dans les demeures célestes » (Sacrosanctum concilium 83).
Nous pourrions dire sans exagération que c'est en chantant et en faisant chanter que notre ami Maurice Tillie est passé de ce monde à notre Père du ciel. N'entendions-nous pas sa voix tandis que nous chantions, dimanche dernier les pièces si suggestives du Sixième Dimanche de Pâques ?
Vocem iucunditatis, c'étaient les premiers mots de l'introït : « Faites entendre une voix pleine de joie, car le Seigneur a libéré son peuple ». La voix de Maurice Tillie me frappa encore par son timbre et son énergie alors qu'au terme d'une visite que nous lui rendions, mon père Abbé et moi, en février dernier à la maison Roz Arvor, nous entonnions ensemble quelques pièces du Graduel. Comme en témoignent d'anciens enregistrements des Lamentations de Jérémie réalisés à l'abbaye de Timadeuc, la voix du jeune disciple du Père Fabien, le maître des novices et maître de choeur qui le marqua tant, avait été très belle.
Il y avait la voix du chanteur, mais aussi celle du maître de choeur, qui pouvait se faire autoritaire quand il fallait entraîner les troupes, mais qui s'adoucissait vite quand la détente revenait. Alors le corps se soulevait, dans un mouvement de danse, pour épouser le rythme, dire la souplesse d'un levé et la douceur forte et sereine d'un posé. Le rythme, c'est l'homme, et le maître de choeur le sait mieux que tout autre. Il a son rythme à lui et, à mesure qu'il gagne en expérience, il sait de mieux en mieux l'infuser dans le groupe qu'il dirige. Les voix se mobilisent tandis que les yeux suivent le geste, et que les chanteurs entrent dans le rayonnement de la présence de celui qui les guide. Les choristes se laissent attirer dans un mouvement où les voix s'unissent et les âmes se joignent pour devenir une seule parole chantée, une seule louange, un seul acte de culte. La monodie grégorienne, dans sa simplicité austère et grandiose, a su trouver le secret de fondre dans l'unité les voix multiples des croyants pour laisser résonner le timbre unique qui est, selon l'enseignement de saint Augustin, la voix du Christ Total, la Tête et les membres unis dans une même Parole, un même chant, adressés au Père dans l'Esprit.
Pour porter plus loin, la voix du maître de choeur se fit voix de l'enseignant et de l'apôtre. Des stages, des enregistrements, des émissions de radio, un manuel, un DVD, un bulletin et, pour soutenir cette oeuvre polymorphe toujours ouverte aux possibilités nouvelles, une des associations les plus anciennes et les plus dynamiques de France : quel porte-voix, pour notre ami ! Il s'était entièrement dévoué à la cause du grégorien, non pour défendre la « sensibilité » particulière d'un groupe de croyants vite jugés un peu nostalgiques ou esthètes, mais parce qu'il avait la conviction d'un enjeu de foi pour la vie de l'Église. Le chant liturgique n'est pas un simple décor plus ou moins réussi dans les célébrations chrétiennes, mais il est, comme l'enseigne Vatican II, « partie nécessaire ou intégrante de la liturgie solennelle » (Sacrosanctum concilium 113). Comprenons, et aidons les autres à comprendre, que le chant sacré fait partie du « culte en esprit et en vérité », qu'il a une telle dignité que le même Concile a pu dire qu'il est un trésor « d'une valeur inestimable qui l'emporte sur les autres arts » (Ibid.) . C'est dans la ligne de Vatican II que Maurice Tillie a toujours situé son action. En fils de l'Église, il considérait, tout d'abord, que Dieu a droit au chant le plus beau dont la communauté concrète – qu'elle soit paroisse ou communauté – est capable ; ensuite, que le peuple de Dieu a le droit, selon la parole fondatrice de saint Pie X, à « prier sur de la beauté » ; et, enfin, que le chant grégorien, trésor millénaire que la culture de nos sociétés laïques salue comme un patrimoine d'humanité, doit continuer d'offrir aux communautés chrétiennes le secours inégalé de sa perfection musicale et de sa justesse théologale. Pour cela il fallait former, briser les préjugés tenaces, persuader doucement et fortement, préparer un avenir au delà des dérives d'une époque, transmettre une flamme reçue des anciens et que les plus jeunes générations ont hâte de recevoir, comme le démontre leur participation significative et enthousiaste aux stages annuels.
Fructus vester maneat : « Que votre fruit demeure ! » C'était le dernier mot de la communion de ce même Sixième Dimanche. Le Christ rappelait à ses disciples : « Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, mais c'est moi qui vous ai choisis et qui vous ai institués pour que vous alliez, que vous portiez du fruit et que votre fruit demeure. » (Jn 15, 16). Dieu seul donne la fécondité, Dieu seul conduit à leur terme les fruits. C'est de lui que, dans son humilité foncière, Maurice Tillie attendait le succès de son oeuvre. Son arme principale était la prière, une prière qui, avec le temps, se simplifiait et se pacifiait. J'en fus témoin à Noël dernier alors qu'il était venu passer les fêtes liturgiques dans notre abbaye. Selon le mot de saint Benoît, le maître de sa jeunesse, avec le progrès dans la foi et les oeuvres bonnes, « le coeur se dilate et l'on se met à courir avec une ineffable douceur d'amour dans la voie des commandements de Dieu » (Prologue de la Règle de saint Benoît, v. 49). Dans sa participation active à notre liturgie par une écoute recueillie et fervente, il avait dépassé l'attention aux détails de l'interprétation – auxquels il était pourtant si sensible – pour rejoindre une simplicité d'enfant, ce regard contemplatif qui n'est pas la privilège d'une élite, mais l'épanouissement normal de l'âme chrétienne au contact des réalités saintes, dans la douce familiarité des mystères de la liturgie.
Déjà fatigué, il pressentait peut-être le terme prochain, l'appel à rejoindre sa chère Épouse, de doux souvenir. Pourtant il parlait de ce trentième anniversaire, de sa succession, de sa retraite définitive (ou presque !), et toutes ses forces se mobilisaient vers cet objectif. L'épreuve sonna très vite en ce début d'année. Il connut de grandes souffrances, mais aussi des moments d'apaisement. Il s'abandonnait entre les mains de Dieu, sensible aux multiples témoignages d'amitié, profondément touché par le dévouement quasi filial, plein de délicatesse, d'ingéniosité et d'affection, d'un ami et de sa famille.
Tandis que nous accompagnons la dépouille de notre ami vers son repos terrestre, notre prière monte vers Dieu. La voix humble et puissante de nos âmes se laisse saisir par l'Esprit du Ressuscité. Nous demandons au Père sa miséricorde pour son serviteur. Nous rendons grâce pour tout ce que Dieu a accompli avec lui, pour nous et pour l'Église. Et nous implorons avec les mots de Jésus : « Que le fruit de cette vie demeure, dans le temps et dans l'éternité ! » Fructus maneat ! Amen.
OBSEQUES DE MAURICE TILLIE VENDREDI 22 MAI 2009 10 h
Eglise SAINT CLEMENT de NANTES
Présentation par Monsieur Pierre-Louis Godin
Nous voici rassemblés encore une fois avec Maurice Tillie dans cette Eglise Saint Clément qui fut pour le choeur grégorien de Nantes celle où il s’est le plus manifesté…. soit pour des interventions programmées ,
soit pour accompagner des familles pour la liturgie des défunts
n’ hésitant pas à bousculer son emploi du temps
c’est donc au nom de l’association et du choeur ,
en union avec la communauté paroissiale de St Clément que nous vous accueillons dans cette église
Le 2 février dernier , c’était la 1ère fois que le choeur chantait ici sans lui
Nous l’avions confié au Seigneur et à la Vierge Marie sa mère ….
aujourd’hui nous leur confions une dernière fois son fidèle serviteur.
C’est en juin 1976 que nous avions fait connaissance à l’ église de Sainte Marie sur Mer pour l’ordination du père Dominique Chéreau , votre frère cher Père Chéreau…
Sollicités ensuite pour diriger les chants pour d’autre célébrations d’ obsèques , nous avions alors évoqué la mise en place d’un groupe stable de chanteurs et la création d’ un livret de chant de la messe grégorienne des défunts ,
en demandant conseil au Père Lefeuvre à Kergonan ,au père Claire à Solesmes ;
ils viendront tous les deux à Nantes pour soutenir ces projets et faire connaitre le chant grégorien
Né en septembre 1926 à Steenworde dans le Nord , le 3 ème d’une famille de 6 enfants
Maurice Tillie avait ressenti un appel à la vie monastique qui le mena d’abord à l’abbaye bénédictine de Kerbéneat dans le Finistère où il avait une relation familiale , puis à l’abbaye cistercienne de Timadeuc .dans le Morbihan. mais les voies du Seigneur ne sont pas les nôtres.
des soucis de santé lui firent prendre un autre chemin….
Sa profession commerciale l’amena à Avranches , puis à Nantes….
une circonstance qu’il a reconnue « providentielle « lui fit rencontrer Monique MIllet qui travaillait aux services des enfants avec les soeurs de St Vincent de Paul , à Avranches
permettez nous de citer quelques mots de ce qu’il écrivit il y a 3 ans à l’occasion de son retour à Dieu
« les 49 années de mariage auront été pour l’un comme pour l’autre une période de bonheur sans éclat….elle a surmonté avec un grand courage et un grand esprit de foi l’épreuve de n’avoir pu avoir d’enfants …. et la maladie qui devait l’emporter…. »
Sa vie professionnelle dans l’immobilier fut occasions de contacts et de rencontres où l’apostolat grégorien trouvait parfois sa place , car c’était le coeur de sa vie…au cours des stages et des répétitions , avec l’édition du « précis , le chant grégorien redécouvert « , il nous a transmis l’ héritage millénaire de l’ Eglise qu’il avait reçu à Timadeuc , par le chanoine Janneteau , par l’abbaye de Solesmes , par l’abbaye de Kergonan
Maurice Tillie dut aussi un producteur assidu et organisé de l’émission « grégorien de toujours « à Radio « Fidélité « , et utilisait avec aisance les outils informatiques avec les conseils de son ami Bertrand de la Charie qui avec son épouse l’ont accompagné matériellement
et dans la prière jusqu’ son dernier soupir.
son premier souci était toujours le service de l’église , que ce soit par la radio ou par le service aux paroisses qui nous accueillent
Requiem , Lux , Libera , il l’a fait chanter tant de fois pour les autres
Qu’ aujourd’hui notre prière portée par le chant millénaire de l’ Eglise le fasse entrer lui aussi dans le repos de Dieu , au terme d’une vie active à son service
dans la lumière de sa vérité et de son amour
dans la libération de tout ce qui pu l’éloigner de Lui